COUR SUPÉRIEURE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL
«Chambre civile»

No: 500-05-063224-016

DATE: 14 MARS 2001


EN PRÉSENCE De: L'HONORABLE PAUL G. CHAPUT JCS


UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL,
Requérante
c.
COUR DU QUÉBEC,
Intimée
et
L'HONORABLE MICHEL DESMARAIS,
Intimé
et
ALI SAHAR, JEAN-FRANÇOIS TURCOTTE, JONATHAN V. BOLDUC, MAXIME COUTURE, Mis en cause
et
NADINE HENRY, SUZANNE PROVINÇAL, JONATHAN NOLET-ARTHUR, GUILLAUME SABOURIN,
Mis en cause
et
YANICK CYR, YVES MANNY, BENOÎT GRÉGOIRE, VALÉRIE GAUDREAU-LEROUX, Mis en cause
et
MATHIEU GRAVEL-RACINE, FRÉDÉRIC GAUDET, PETER UTIGER, CHRISTIAN AYIH-AKAKPO,
Mis en cause
et
FRÉDÉRIC ARNAUTS, FRÉDÉRIC BABIN, TCHOBKREO BAGAMLA, CHRISTIAN KBIHINA ELOUNDOU,
Mis en cause
et
EMMANUEL BENOÎT, SÉBASTIEN CARTON, MOURAD CHABANE, CHOY KIM CHUAH, Mis en cause
et
BOUBACAR BAYERO DIALLO, AMÉLIE DREWITT, VENANT BIGEMINTWAZA, HETI BEN FRAJ,
Mis en cause
et
ESTELLE GAGNÉ, MARIE-ÈVE GAGNÉ-PHIPPS, DICARMEL MICHEL, MAUDE GILBERT, Mis en cause
et
TAREK JOUINI, KARINE JULIENNE, CAROLINE DE LAUNAY, MARTIN LAVERDURE, Mis en cause
et
KHODOR JABER, MARTIN JEAN-LOUIS, RACHID KIHEL, MARTIN LAVALLÉE, Mis en cause
et
JÉRÔME MELLON, MATHIEU RENAUD, DANIEL SAUVÉ, GBENAMBLO OLIVIER SOSSA, Mis en cause
et
JEAN-GUY AHMED NADI, ROMAIN HAUG, FÉLIX MÉNARD ST-DENIS, NARISSE NDONG, Mis en cause
et
ALAIN JULIEN NGALLE, SANDRINE SAGE, DAOUDA SEMBENE, AMÉLIE RIVARD, Mis en cause
et
ÉRIC GENDRON, DOMINIC CHOQUETTE, MARTIN GRÉGOIRE, STÉPHANIE LANCTÔT, Mis en cause
et
MARC GAULIN, SONIA VALCOURT, VANESSA LOUBINEAU, DAVID LACHAPELLE, Mis en cause
et
CÉLINE MERCIER, MARTIN JONCAS, GENEVIÈVE BOURASSA, BERTRAND BORNIAMBUC, Mis en cause
et
MARC-ANDRÉ BONNEAU, JOYCE DA SILVA, MÉLISSA LEMIEUX, ANDRÉ MANN FRED ALEXIS,
Mis en cause
et
CINDY HARVEY, HERVÉ LOMBAERT, SABRINA TREMBLAY, Mis en cause
et
ANICK LECLERC, THOMAS MARSAN, SERGINE HOUNTONDJI, HUSSEIN SLEIMAN, Mis en cause
et
FRANK DELACHE, HERVÉ KOUSSE, MOHAMED VALL OULD MOHAMED SALEM, GABRIEL BOURGETEL,
Mis en cause


JUGEMENT


1. L'université de Montréal (U de M) dépose une requête en révision judiciaire et en sursis.

2. La révision vise le jugement de la Cour du Québec qui accueille une requête verbale en irrecevabilité le 14 février 2001 et la demande de sursis vise l'exécution de 79 décisions rendues par la Régie du logement (la Régie) dans le cadre d'autant de demandes faites par les mis en cause à la requête.

3. Le 20 février 2001, le juge Tardif ordonne le sursis.

Les faits

4. Les mis en cause sont étudiants de l'U de M.

5. À la suite de l'éviction de leur logement dans la résidence de l'U de M, ils s'adressent à la Régie du logement.

6. Les 79 demandes devant la Régie sont réunies pour audition commune. Cette dernière dure huit jours.

7. Le 7 décembre 2000, la Régie rend jugement en faveur des intimés dans les 79 dossiers.

8. Le 5 janvier 2001, l'U de M fait signifier une requête pour permission d'en appeler.

9. À l'audition de cette requête, le 18 janvier, l'avocat des intimés présente une requête verbale en déclaration irrecevabilité. Il soulève qu'il n'y a pas au dossier de requêtes distinctes pour permission d'appeler de chacune des 78 autres décisions.

10. Le juge Michel Desmarais accueille la requête en déclaration d'irrecevabilité.

Position des parties

11. Selon l'avocat de l'U de M, le juge Desmarais a rendu une décision déraisonnable en retenant qu'elle devait déposer une requête pour permission d'appeler dans chaque dossier, tout en reconnaissant qu'elle avait l'intention d'en appeler des 79 décisions.

12. Aussi, selon l'U de M, s'il devait y avoir une requête pour permission d'appeler dans chaque dossier, le juge aurait dû permettre de corriger le dossier.

13. Pour sa part, les intimés soutiennent que la norme applicable est celle de l'erreur manifestement déraisonnable. Ils plaident que, compte tenu du délai de rigueur pour former l'appel, la décision du juge Desmarais ne paraît pas dénué de sens.

Analyse

La norme de contrôle

14. Dans l'arrêt Crédit M.P. Ltéé c. Beverlee Jorgensen et Cour du Québec et Michel Henry,(1) la Cour d'appel eut à statuer sur la norme de contrôle en matière de décision de la Cour du Québec siégeant en appel d'une décision de la Régie

15. Dans cette affaire, la Cour supérieure avait révisé le jugement de la Cour du Québec qui avait cassé la décision de la Régie du logement; il s'agissait de déterminer si l'entente accessoire à une offre d'achat était ou non un bail. Le juge de la Cour du Québec est d'avis que oui. Le juge de la Cour supérieure, faisant application de la norme de l'erreur simple, révise le jugement. La Cour d'appel rétablit le jugement de la Cour du Québec.

16. La juge Deschamps, écrivant pour la majorité, reprend les critères retenus dans les récents arrêts de la Cour suprême pour déterminer le niveau de contrôle que peut exercer la Cour supérieure : le degré d'expertise, la clause privative, l'objet de la loi et la nature de la question.

17. Elle note d'abord que, les jugements de la Cour du Québec siégeant en appel des décisions de la Régie n'étant pas sujets à appel, la Cour supérieure doit exercer une grande réserve à l'égard de ces jugements.

18. Par contre, comme il s'agissait alors d'une question de droit civil, la réserve que devait exercer la Cour supérieure était moins grande. La juge Deschamps conclut comme suit :

     Je situe donc le seuil d'intervention de la Cour supérieure
     appelée à réviser judiciairement une décision de la Cour du
     Québec siégeant en appel d'une décision de la Régie du logement
     portant sur une question générale de droit civil au-delà de
     l'erreur simple mais en deçà de l'erreur manifestement
     déraisonnable.

     ()

     Je suis donc d'avis que la norme de contrôle applicable à
     l'exercice du pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour
     supérieure à l'encontre du jugement de la Cour du Québec portant
     sur une question générale de droit civil se situant à l'intérieur
     de sa sphère de compétence est celle de la décision
     raisonnable.(2)

19. Dans le présent dossier, le juge de la Cour du Québec avait à décider si la requête pour permission d'appeler, telle que formulée, répondait aux règles d'appel des décisions de la Régie selon la Loi sur la Régie du logement (3) (la Loi).

20. À propos du droit supplétif en matière de droit du travail, le juge Lebel écrit dans l'arrêt Syndicat des travailleurs et des travailleuses des Épiciers unis Métro-Richelieu (C.S.N.) c. Me Bernard Lefebvre et Épiciers unis Métro-Richelieu Inc. :

     À bien des égards, le droit civil au Québec fait figure, en ce
     domaine, de droit commun ou, à tout le moins, de droit supplétif,
     comme le confirme peut-être l'adoption de la disposition
     préliminaire du Code civil du Québec.(4)

21. Ainsi en est-il lorsqu'il s'agit d'interpréter les dispositions de la Loi.

22. Aux termes de l'article 91 de la Loi, seule la Cour du Québec est compétente en matière d'appel des décisions de la Régie.

     91. Les décisions de la Régie du logement peuvent faire l'objet
     d'un appel sur permission d'un juge de la Cour du Québec, lorsque
     la question en jeu en est une qui devrait être soumise à la Cour
     du Québec.

     ()

23. Cette disposition en est une de procédure, analogue à celles que l'on retrouve dans le Code de procédure civile. Les appliquer ne requiert pas de connaissances spécialisées.

24. Ainsi, la norme qui régit la révision judiciaire demandée dans le présent dossier est celle de la décision raisonnable.


25. Cependant, il faut rappeler que la Cour supérieure ne siège pas en appel des jugements de la Cour du Québec. Comme les jugements de cette Cour siégeant en appel des décisions de la Régie ne sont pas sujets à appel, il faut tenir compte de la mise en garde que la juge Deschamps formule dans l'arrêt Crédit M.P. Ltée :

     Il serait d'ailleurs bien inutile d'édicter que les décisions de
     la Cour du Québec, en ces matières, sont sans appel si, par voie
     de révision judiciaire, la Cour supérieure, face à ce qu'elle
     considère une simple erreur de droit commise par le premier juge,
     pouvait substituer sa décision à celle de la Cour du Québec.

     Il serait également étonnant que la Cour supérieure puisse
     réviser les jugements de la Cour du Québec siégeant en appel des
     décisions de la Régie du logement sur simple erreur, alors que,
     règle générale, elle ne pourrait réviser les décisions de la
     Régie du logement que sur erreur manifestement déraisonnable
     (art. 18 de la loi). Siégeant en révision judiciaire, la Cour
     supérieure ne doit pas s'ériger en tribunal d'appel d'une
     décision d'une Cour dont le législateur a voulu que les jugements
     soient, en matière de logement, sans appel.(5)

26. Et, comme le signale le juge Lebel dans l'arrêt Épiciers unis Métro-Richelieu, il faut considérer la décision contrôlée dans sa globalité et ne pas en faire la révision par segments détachés les uns des autres.

     Ainsi, le décideur spécialisé peut examiner et interpréter la
     législation générale ou les concepts du droit commun. Il arrive
     parfois que, à cause de l'indépendance de la question de droit
     commun vis-à-vis du problème principal soumis au tribunal,
     certaines décisions particulières se trouvent assujetties à un
     test de correction, sans que celui-ci soit appliqué à la décision
     dans son ensemble. La justesse de la décision sur cet aspect
     particulier ne devient alors qu'un élément d'appréciation du
     caractère raisonnable de la décision, prise dans sa globalité. On
     doit, en effet, éviter d'exercer le contrôle judiciaire par
     fragments en visant telle opinion particulière, mais plutôt
     évaluer l'ensemble de sa décision. La rationalité de celle-ci
     s'apprécie par rapport à la totalité de ses éléments et à la
     conclusion dégagée.(6)

Le jugement de la Cour du Québec

27. Au départ, il convient de noter ce que le juge de la Cour du Québec avait devant lui :

28. une requête pour permission d'appeler où les intimés sont désignés : ALI SAHAR ET ALS; elle comporte le numéro de du dossier de la Régie : 31 000705 175 G et als;

29. un avis de présentation est donné à Me Lavigne;

30. annexées à la requête, une copie de la décision dans le dossier 31 000705 175 G , ainsi qu'une liste des noms des 78 autres intimés et des numéros de leur dossier respectif à la Régie;

31. procès-verbaux de signification à Me Lavigne et au régisseur, Me Jean Bisson.


32. Après avoir exposé les faits, le juge reprend certaines allégations de la requête et note ce qui suit :

     L'intention de l'Université de Montréal ne peut être remise en
     question. Son intention était bien de faire appel des
     soixante-dix-neuf décisions du régisseur.

33. Il aborde ensuite les positions respectives des parties.

34. Quant aux intimés :

35. Il réfère aux articles 91, 92 et 93 de la Loi, sans les commenter. Il poursuit comme suit :

     Dans le présent litige seule une requête a été présentée et un
     seul timbre a été payé. Les soixante-dix-huit autres décisions ne
     sont donc pas sujettes à appel.

36. Il retient aussi que l'exécution des 79 décisions ne pourrait se faire par un seul bref d'exécution.

37. Enfin, il écarte l'argument d'équité des intimés.

38. Quant à l'U de M :

39. Il note que « les deux parties admettent que la requête pour permission d'appeler a été présentée dans les délais».

40. Il réfère à l'article 2 C.p.c. et à un extrait du Précis de procédure civile du Québec, de Ferland et Émery, sur la sanction du vice de forme et la primauté du droit sur la procédure.

41. Il retient que « (l)les décisions sont semblables quant au fond et diffèrent uniquement sur les dommages accordés. Les motifs d'appel dans toutes les décisions sont les mêmes. »

42. Il discute ensuite de l'article 93 de la Loi.

     93. Ce délai est de rigueur et emporte déchéance.

     ()

43. Il retient que le délai pour présenter la requête pour permission d'appeler est de rigueur et emporte déchéance. Il ajoute que, depuis l'amendement de 1996, le tribunal ne peut plus autoriser un appel après l'expiration du délai.

44. Enfin, il retient l'article 92 de la Loi :

92. Demande par requête.

     La demande pour permission d'appeler doit être faite au greffe de
     la Cour du Québec du lieu où est situé le logement et elle est
     présentée par requête accompagnée d'une copie de la décision et
     des pièces de la contestation, si elles ne sont pas reproduites
     dans la décision.

     Signification.

     La requête accompagnée d'un avis de présentation doit être
     signifiée à la partie adverse et produite au greffe de la Cour
     dans les 30 jours de la date de la décision. Elle doit préciser
     les conclusions recherchées et le requérant doit y énoncer
     sommairement les moyens qu'il prévoit utiliser.

     Inscription.

     Si la demande est accordée, le jugement qui autorise l'appel
     tient lieu de l'inscription en appel. Le greffier de la cour du
     Québec transmet sans délai copie de ce jugement à la Régie ainsi
     qu'aux parties et à leur procureur.

     Appel incident.

     De la même manière et dans les mêmes délais, l'intimé peut former
     un appel ou un appel incident.

45. Et il note que les dispositions sont impératives.


46. Le juge retient l'intention de l'U de M de porter en appel l'ensemble des décisions. La conclusion recherchée se lit :

     ACCORDER la permission de porter en appel les décisions de la
     Régie du Logement rendues le 7 décembre 2000 dans les dossiers
     listés en annexe aux présentes;

47. Cependant, se basant sur le texte de la Loi, il en vient à la conclusion qu'il n'y avait qu'une requête pour en appeler de toutes les décisions.

48. À cet égard, il convient de noter que la requête pour permission d'appeler n'était accompagnée que de la copie de la décision dans le dossier 31-0000705-175G et non des décisions dans les 78 autres cas. D'emblée, dans ces 78 autres cas, la requête est manifestement incomplète.


49. Le juge a refusé, sans préciser ces motifs, de considérer la requête unique comme une demande conjointe de plusieurs demandeurs comme le prévoit l'article 67 C.p.c.

50. L'U de M plaide qu'aucun texte de la Loi interdit de joindre plusieurs requérants devant la Régie en un seul appel devant la Cour du Québec.

51. On en convient. Mais, quand le législateur veut autoriser telle jonction, il le dit, comme à l'article 67 C.p.c.

52. Et dans la Loi, on ne trouve pas de telle disposition habilitante.

53. Cependant, l'on y trouve les dispositions suivantes :

     96. Réunion d'appels.

     Lorsque plus d'une partie interjette appel d'une même décision,
     tous les appels sont réunis.

     97. Réunion d'appels.

     Le tribunal peut, d'office ou sur demande, réunir plusieurs
     appels si les questions en litige sont en substance les mêmes.

54. Dans le premier cas, il n'y a qu'une décision de la Régie. Ce n'est évidemment pas le cas en l'espèce. Dans le second cas, il s'agit d'appels déjà formés.

55. Ainsi, il n'est pas dénudé de sens que le juge décide qu'il ne peut y avoir qu'une seule requête pour en appeler de multiples décisions distinctes.


56. On plaide aussi que le juge a fait passer la procédure avant le droit et qu'il pouvait permettre de corriger ou amender la requête, dans le sens de l'article 166 C.p.c. :

     166. Lorsqu'il est possible de redresser le grief sur lequel
     l'exception est fondée, le demandeur peut obtenir qu'un délai lui
     soit accordé pour ce faire et que le jugement sur l'exception ne
     soit rendu qu'à l'expiration de ce délai.

     Si le grief subsiste, la demande sera rejetée; s'il a été
     redressé, l'exception sera maintenue pour les dépens seulement.

57. Le juge a considéré l'article 2 C.p.c. :

     Art. 2 C.p.c. Les règles de procédure édictées par ce code sont
     destinées à faire apparaître le droit et en assurer la sanction;
     et à moins d'une disposition contraire, l'inobservation de celles
     qui ne sont pas d'ordre public ne pourra affecter le sort d'une
     demande que s'il n'y a pas été remédié alors qu'il était possible
     de le faire. Ces dispositions doivent s'interpréter les unes par
     les autres et, autant que possible, de manière à faciliter la
     marche normale des procès, plutôt qu'à la retarder ou à y mettre
     fin prématurément.

58. Et l'extrait doctrinal qu'il a considéré fait état d'une réserve à la préséance du droit substantiel sur la procédure dans les cas où le texte législatif ne laisse aucun pouvoir de remédier.


59. Ayant décidé que les dispositions des articles 92 et 93 de la Loi étaient impératives, le juge pouvait-il alors envisager que la requête unique puisse être amendée ou corrigée?

60. Aux termes de l'article 166 C.p.c., on peut remédier s'il est possible de redresser le grief.

61. Lorsque la loi indique une formalité impérative et déclare la déchéance du droit en cas de défaut, il n'est plus possible de remédier.

62. Aux termes de l'article 494 C.p.c., le délai pour former appel à la Cour d'appel est de rigueur et emporte déchéance.

63. Et l'article 495 C.p.c. fixe les conditions de formation de l'appel.

     495. L'appel est formé par le dépôt au greffe du tribunal de
     première instance, dans le délai prévu par l'article 494, d'un
     exemplaire et de deux copies d'une inscription signifiée à la
     partie adverse ou à son procureur.

     Si la partie adverse n'est pas représentée par procureur et que
     soit établie l'impossibilité de signifier conformément à
     l'article 123, un juge du tribunal de première instance peut
     prescrire un mode différent de signification, et, si nécessaire,
     permettre que celle-ci soit faite même après l'expiration du
     délai d'appel.

64. À propos de cet article, le juge Tremblay écrit dans l'arrêt Rahal c. Shoiry :

     L'article 495 C.p.c. édicte que «l'appel est formé par le dépôt
     au greffe du tribunal de première instance, dans le délai prévu à
     l'article 494, d'une inscription signifiée à la partie adverse ou
     à son procureur». Deux choses sont donc nécessaires pour former
     l'appel, la signification et le dépôt de l'inscription, et ces
     deux choses doivent être faites dans le délai prévu à l'article
     494. Ce dernier article prévoit que «l'appel d'un jugement final
     de la Cour supérieure doit être formé dans les trente jours de la
     date du jugement». Dans le présent cas, la signification eut lieu
     dans le délai, mais non la production. L'appel ne fut donc pas
     formé dans le délai et il y a déchéance.

     Je me suis demandé s'il s'agissait «d'une irrégularité dans la
     formation de l'appel» et si je devais rechercher le préjudice
     suivant le paragraphe 1 de l'article 501 C.P. Je crois qu'il faut
     répondre dans la négative à la lecture de l'article 502 C.P. :

     En tout état de cause, le tribunal ou, entre les sessions, l'un
     de ses juges, peut permettre de corriger, dans le délai et aux
     conditions qu'il détermine, toute irrégularité, quelle qu'elle
     soit, dans la procédure d'appel, pourvu, toutefois, que
     l'inscription en appel ait été dûment signifiée et déposée.

     Le retard dans la signification ou le dépôt de l'inscription en
     appel n'est donc pas considéré comme «une irrégularité dans la
     formation de l'appel» prévue à l'article 501 C.P.(7)

65. Évidemment, aux termes de l'article 523 C.p.c., la Cour d'appel peut, dans certaines circonstances, proroger un délai d'appel.

66. Mais, il n'y a pas de telle disposition en cas d'appel de décisions de la Régie. Au-delà de 30 jours, il y a la déchéance du droit.

67. On trouve aussi une autre distinction entre l'article 495 C.p.c. et l'article 92 de la Loi. Aux termes du premier, l'inscription en appel est signifiée à la partie adverse ou à ses procureurs; aux termes du second, la requête pour permission d'appeler est signifiée à la partie adverse seulement.

68. Ainsi, dans Adrien Lefebvre c. Résidence des anciens combattants de Charlesbourg,(8) le juge Pierre Choquette rejette l'appel parce que la requête n'a pas été signifiée à la partie comme le prévoit l'article 92 de la Loi. À cet égard, on notera que, selon le dossier, la requête n'a été signifiée qu'à Me Lavigne, ni à l'intimé ni aux autres intimés.

Conclusion

69. La décision du juge Desmarais tient compte de l'ensemble des éléments du dossier. Elle s'appuie sur les termes exprès de la Loi qui justifient l'interprétation stricte que le juge en a faite(9) . Le tribunal ne peut conclure que, dans les circonstances, le juge a rendu une décision qui serait sujette à révision parce que dénudée de sens.

70. POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

71.REJETTE la requête en révision judiciaire;

72. AVEC DÉPENS.


PAUL G. CHAPUT JCS

Me Marc Lavigne
Procureur des intimés

Me Sébastien Grammond et Me Stéphane Dansereau FRASER MILNER CASGRAIN
Procureurs de l'Université de Montréal

Date d'audience: 3 mars 2001

Domaine du droit: PROCÉDURE CIVILE


1. [1997] R.J.Q. 2220 (C.A.).

2. Id., p. 2225 et 2226.

3. L.R., c. R.-8.1.

4. [1996] R.J.Q. 1509 (C.A.), 1533.

5. Note 1, p. 2225-2226.

6. Note 4, p.

7. [1969] B.R. 715, 715-716.

8. [1995] J.L. 110 (C.Q.), AZ-95033202.

9. Labonté c. Lafontaine, J.E. 90-370 (C.S.).